Deaf note

Comme souvent, je me suis réveillée ce matin en étant bercée par la douce rumeur de la télévision. Pas la mienne, celle du voisin du dessous. Je ne sais pas ce qu’il regarde, mais j’entends un bruit aisément reconnaissable. Est-ce que cela veut dire qu’il l’écoute trop fort? Un peu quand même. Pas de quoi descendre lui faire la morale (sauter les dents), mais de quoi réfléchir sur la proportion de sourds/futurs sourds qu’il y a dans ce pays.

Quand vous vivez dans un immeuble, vous êtes à la merci des voisins indélicats. Ceux qui s’envoient en l’air en hurlant, ceux qui écoutent la musique à fond, ceux qui ont l’air de déménager 24h/24... Certaines personnes semblent ignorer que le bruit ne s’arrête pas en tremblant devant les cloisons. Certains semblent ne pas se douter que dévaler les escaliers comme un éléphant à 3h du mat’ peut réveiller quelques personnes.

Le rapport à la solitude de beaucoup d’humains est paradoxal. L’homme en groupe fait du bruit. C’est normal, il parle, il rit, il écoute de la musique avec ses amis. Mais l’homme seul fait parfois plus de bruit encore. A croire que le silence de la solitude est insupportable et qu’il faut absolument recréer la rumeur de la présence. On fait du bruit, donnant l’impression qu’on se croit seul au monde, alors qu’en fait, on veut évacuer cette solitude.

Au-delà de l’impolitesse des gens bruyants, on a l’impression qu’il y a une sorte d’angoisse. Une de mes voisines écoute toujours de la musique plus rythmée et plus forte quand son petit ami n’est pas là. Beaucoup de gens allument la télévision quand ils sont seuls. Pas pour la regarder, mais pour avoir de la compagnie. J’ai toujours trouvé ça curieux.

Quand je suis seule, j’aime le silence. Il m’est arrivée de rester seule pendant plusieurs jours, sans allumer la télé, sans même écouter de musique. Je suis restée tranquillement avec moi-même. La solitude est un moyen idéal de s’écouter penser, de se prendre pour objet et de réfléchir sur soi. Le bruit divertit, nous sort de nous-mêmes et renvoie notre attention vers un autrui factice.

Nous ne sommes pas vraiment faits pour la solitude. Nous voudrions satisfaire nos pulsions individuelles au mépris des autres, mais certainement pas éradiquer tous ces autres. Nous avons besoin d’eux. Mais trop souvent pour de mauvais motifs. Certains individus se mettraient en couple avec presque n’importe qui. Juste pour qu’enfin, la présence ne vienne plus de la télévision.

Si nous étions des fourmis, nous n’aurions pas ce genre de problème. Nous vivrions parmi les autres, pour les autres. L’être humain vit aussi parmi les autres, mais essentiellement pour lui-même. Ce qui explique aussi bien pourquoi certains écoutent du rap à fond à minuit et pourquoi d’autres envahissent impunément un pays qui n’est pas le leur. Ce n’est qu’en forçant les autres à reconnaître notre présence, que nous pensons cesser enfin d’être seuls.

|