His Dark Material

Chaque année, je profite de l’été pour avaler des bouquins qui n’ont rien à voir avec le boulot. Au fil du temps, j’ai donc lu Tolkien, Rowling, Pratchett, Abnett... bref, vous l’aurez compris, des gens plus fun que Kant.

Cette année, en allant faire un tour chez France Loisirs, je suis tombée sur l’édition intégrale de A la Croisée des Mondes, de Philip Pullman. Je savais que j’avais un nombre incalculable de bouquins hypersérieux à lire, mais sur son étagère, celui-là me faisait furieusement de l’oeil. Donc j’ai craqué. Dans ce bas monde, deux choses peuvent me faire sortir ma carte bleue sans réfléchir: les chaussures et les livres.

1025 pages. Du sérieux. Pour une fois, je me suis interdite de comportement compulsif. Hors de question de le lire en trois jours, en oubliant de manger et de dormir. Rationnement obligatoire. Mais 1025 pages, quand on aime ce qu’on lit, ce n’est finalement pas grand-chose. Ma lecture est donc déjà terminée (j’ai réussi à la répartir sur 3 semaines, à raison de deux livres en une et le dernier réparti tant bien que mal sur les deux autres, ahem, je suis incorrigible.)

Que dire donc, de ce livre? Tout d’abord qu’il m’a vraiment bien plu. Pullman n’est pas le plus grand écrivain du monde (d’ailleurs lui-même se refuse le titre d’écrivain), mais il écrit tout de même assez bien. Ou alors le traducteur fait des miracles, je ne sais pas. Enfin bon. A la Croisée des Mondes est une histoire qui se lit bien. On est entraîné, on a envie de savoir, de comprendre. Au fil des pages, on se laisse prendre par les talents de conteurs de Pullman. Et du talent, il en faut pour écrire 1025 pages sans ennuyer le lecteur!

Ma mention spéciale va à l’idée de base de l’auteur, qui est excellente. Très originale, elle révolutionne le concept des univers multiples en lui donnant un soubassement scientifique tout à fait surprenant. Au final, on a envie de dire: pourquoi pas? L’imagination de Pullman est certes fertile, mais pas délirante. On peut la suivre. Le résultat est une implication du lecteur qui passe comme une lettre à la poste. On est dedans avant même d’avoir compris ce qui se passait.

On retrouve des ingrédients communs à la fantasy: univers multiples, créatures fantastiques, objets magiques, prophétie... Mais étrangement, tout est décrit d’une façon que je ne peux que nommer scientifique, et qui nimbe le récit d’un réalisme tout à fait surprenant. Je suis fascinée par l’originalité du concept de la Poussière, qui parvient à produire une thèse d’une grande cohérence.

Les personnages sont intéressants, différents des héros classiques qu’on attend dans ce type de récit. Et par-dessous tout, la présence des daemons s’impose comme l’élément formidable de ce livre. Très accessoirisés dans le film, ils ont dans le récit une importance capitale. Et on finit par se plaire à rêver qu’un jour, on aura un daemon nous aussi!

Je sais qu’on a reproché à Pullman d’être un fou furieux anticatholique. Une fois ma lecture achevée, je ne peux qu’exprimer ma satisfaction. Le dogmatisme religieux, l’obscurantisme, l’hypocrisie et la peur de la différence en prennent pour leur grade. Si certains se sentent visés, je dirai: tant mieux! Pullman ne vise pas spécialement LA religion catholique, il les vise toutes dans leurs défauts.s

Au final, malgré des défauts qu’on peut difficilement reprocher à quelqu’un qui a forgé une oeuvre aussi énorme, A la Croisée des Mondes est vraiment un livre à lire. A côté, le Monde de Narnia devient de la petite bière!
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